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COMMENT FAUT-IL ÉTUDIER LA MORALE DE KANT ?


libre arbitre et le péché originel, la présence en nous d’un idéal de perfection et la nécessité d’anéantir le péché, pour réhabiliter le bien sur ses ruines ; il unit la politique et la métaphysique, la religion et la morale. Déjà dans la Critique de la Raison pure, il est moralement certain qu’il y a un Dieu et une autre vie ; sa foi est tellement unie à son sentiment moral qu’il ne court pas plus de risque de se Toir dépouiller de l’une qu’il ne craint de perdre l’autre. Et dans la préface de la seconde édition, il songe à couper les racines de l’incrédulité des esprits forts (n. 5, p. 305), à unir théologie, morale et religion « les fins dernières les plus élevées de notre existence », en pénétrant les trois objets. Dieu, liberté, immortalité (p. 306). Mais c’est surtout dans la Critique de la Raison pratique, où Kirchmann voit une philosophie de la religion simplement complétée dans l’œuvre spéciale de 1793, que nous apparaît le chrétien. En termes qui rappellent Pascal et l’Entretien avec M. de Saci sur Epictète et Montaigne, Kant proclame l’infériorité des écoles grecques, qu’il réduit aux Epicuriens et aux Stoïciens. Les premiers n’ont vu que le bonheur ; les seconds n’ont vu que l’intention morale (p. 206). Contre ceux-ci Kant accumule, comme Pascal, Bossoet, Nicole et même Descartes, les jugements sévères :

Ils ont vu dans la vertu… l’héroïsme du sage… ils ont placé celui-ci au-dessus des autres hommes et l’ont soustrait à toute tentation de violer la loi morale (p. 282). A la place d’une discipline morale, sobre, ils ont introduit un fanatisme moral, héroïque (p. 154)… Ils s’arrogent la sagesse… la vertu dont ils faisaient un si grand cas (p. 151).

Et ces critiques sont accentuées par l’éloge du christianisme :

La doctrine morale de l’Évangile a, la première, soumis toute bonne conduite de l’homme à la discipline d’un devoir qui, placé sous ses yeux, ne les laisse pas s’égarer dans des perfections morales imaginaires ; elle a posé les bornes de l’humilité, de la connaissance de soi-même, à la présomption et à l’amour de soi, qui tous deux méconnaissent volontiers leurs limites (p. 15i)… Les Stoïciens n’auraient pu placer le Sage au-dessus des autres hommes, s’ils se ftissent représentés la loi dans toute la pureté et toute la rigueur du précepte de l’Évangile… Celui-ci enlève à l’homme la confiance de s’y conformer, complètement du moins dans celle vie, mais en retour, il le relève, car nous pouvons espérer que, si nous agissons aussi bien que cela est en notre pouvoir, ce qui n’est pas en notre pouvoir, nous viendra ultérieurement d’un autre côté, que nous sachions ou non de quelle façon (p. 282)… Tout orécepte moral de l’Évangile présente l’intention* morale dans toute sa