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74 ANALYTIQUE DE LA RAISON PURE PRATIQUE


fin à sa vie, car un tel arrangement ne serait pas un ordre de choses durable. Et de même dans tous les autres cas. Mais dans la nature réelle, en tant qu’elle est un objet de l’expérience, la volonté libre (freie Wille) 1[1], n’est pas déterminée d’elle-même à des maximes qui pourraient fonder par elles-mêmes une nature réglée par des lois universelles ou qui s’adapteraient d’elles-mêmes avec une nature organisée d’après de telles lois. Ce sont plutôt des penchants particuliers, qui forment bien un tout naturel (Naturganzes), d’après des lois pathologiques (physiques), mais non une nature qui ne serait possible que par notre volonté agissant d’après des lois pures pratiques. Toutefois nous avons conscience, par la raison, d’une loi à laquelle toutes nos maximes sont soumises, comme si un ordre naturel devait être enfanté par notre volonté. Donc cette loi doit être l’idée d’une nature qui n’est pas donnée empiriquement, mais qui pourtant est possible par la liberté, d’une nature supra-sensible, à laquelle nous donnons, au moins à un point de vue pratique, de la réalité objective, parce que nous la considérons comme objet de notre volonté, en tant qu’êtres raisonnables (als reiner vernünftiger Wesen).

Ainsi la différence entre les lois d’une nature à laquelle la volonté est soumise et celles d’une nature soumise à une volonté (eu égard au rapport de cette volonté à ses actions libres), consiste en ce que, dans la première, les objets doivent être causes des représen-

  1. 1 Barni dit le libre arbitre. Rien ne justifie ici cette expression que n’emploient ni Born (voluntas libéra) ni Abbot (free will). (F. P.)