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DE LA VUE


mouvement, qui n’est sensible qu’à un certain organe (les yeux), c’est-à-dire à l’aide de la lumière, qui n’est pas, comme le son, un mouvement purement ondulatoire d’un élément fluide, qui s’accomplisse en tous sens dans l’espace ; c’est au contraire un mouvement de rayonnement qui sert à déterminer un point comme objet dans l’espace. Par le moyen de cet objet, l’univers se révèle à nous dans une étendue si grande, surtout en ce qui regarde les corps célestes doués d’une lumière spontanée, que c’est à peine si nous pouvons apprécier mathématiquement leur distance lorsque nous cherchons à nous en faire une idée par les unités de mesure en usage sur la terre, et que nous avons presque plus de raisons de nous étonner de l’exquise sensibilité de cet organe par rapport à la perception d’impressions si faibles, que de la grandeur de l’objet (de l’univers), lors surtout que l’on considère le monde en petit, tel qu’il se présente à nos yeux à l’aide du microscope, par exemple chez les infusoires. — Le sens de la vue, quoique pas plus indispensable que celui de l’ouïe, est cependant le plus noble, parce que c’est celui qui s’éloigne le plus du toucher, c’est-à-dire de la condition la plus restreinte des perceptions. Ce sens renferme non seulement la plus grande sphère des perceptions dans l’espace, mais son organe est très peu affecté (parce qu’autrement il n’y aurait pas simplement vision), ce qui fait qu’il approche davantage d’une intuition pure (représentation immédiate de l’objet donné sans mélange sensible d’une sensation)·