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LA SENSIBILITÉ JUSTIFIÉE.


que Socrate attribuait à son génie). On suppose alors en effet que le premier jugement sur ce qu’il est juste et sage de faire dans un cas donné, est généralement aussi le meilleur, et qu’il n’a rien à gagner à être mûri par la réflexion.

Mais ces jugements n’émanent réellement pas des sens ; ils sont au contraire le fruit de réflexions réelles, quoique obscures, de l’entendement. — Les sens n’élèvent à ce sujet aucune prétention, et sont comme le commun peuple, qui, s’il n’est pas populace [ignobile vulgus), se soumet à son supérieur, à l’entendement, mais jeut être écouté. Si certains jugements, certains aperçus sont regardés comme provenant immédiatement du sens intime (sans le secours de l’entendement), et qu’au contraire l’entendement soit considéré comme ayant une autorité indépendante (als für sich gebietend), et les sensations comme des jugements, alors c’est un véritable fanatisme, qui n’est pas éloigné de la perversion des sens.


§ XI.


Réponse au troisième reproche fait à la sensibilité.


Les sens ne trompent pas. Cette proposition est la négative du reproche le plus grave, mais aussi, lorsqu’il est mûrement réfléchi, le plus mal fondé qui soit adressé aux sens ; et cela, non parce qu’ils jugent toujours juste, mais parce qu’ils ne jugent pas du tout. Ce qui fait constamment retomber