Page:Kant - Anthropologie.djvu/454

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un simple vice de subreption, qui consiste à prendre le jugement sur la cause de la sensation éprouvée en un certain endroit (du cerveau) pour la sensation de la cause en ce même endroit, et à faire succéder aux traces du cerveau déterminées par les impressions survenues dans cet organe, sous le nom d’idées matérielles (Descartes), les pensées qui s’associeraient suivant certaines lois. Quoique ces traces ne soient que des hypothèses parfaitement arbitraires, elles ne supposent cependant aucun siège de l’âme, et le problème physiologique n’a rien à démêler avec la métaphysique. — Nous n’avons donc affaire qu’à la matière, qui rend possible la réunion de toutes les représentations sensibles dans l’esprit[1]. — Or, la seule matière qui soit propre à cela (comme sensorium commune), d’après la découverte qui résulte de votre profonde analyse, est contenue dans la cavité cérébrale, et n’est que de l’eau. C’est l’organe immédiat de l’âme, organe qui, d’une part, isole les filaments nerveux qui s’y terminent, afin que les sensations dont ils sont les instruments ne se confondent point, et qui, d’autre part, opère entre eux une communauté universelle, pour empêcher que des sensations, éprouvées par la même âme, ne soient cependant hors d’elle (ce qui est une contradiction).

Mais voici la grande difficulté : c’est que l’eau, comme liquide, ne peut facilement se concevoir organisée. Et cependant sans organisation, c’est-à-dire sans une disposition des

  1. On entend par esprit (Gemûth) la seule faculté (animus) de composer les représentations données et l’unité de l’aperception empirique ; ce n’est pas encore la substance (anima), entièrement différente de la matière par sa nature, dont on fait alors abstraction. On a ainsi l’avantage d’être dispensé, par rapport au sujet pensant, d’entrer dans la métaphysique, qui s’occupe de la conscience pure et de son unité a priori, dans le rapport de représentations données avec l’entendement. En restant ainsi dans la physiologie, nous n’avons affaire qu’à l’imagination, à l’intuition de laquelle peuvent correspondre, par hypothèse (même en l’absence de leur objet, comme représentations empiriques) des impressions cérébrales (proprement un habitus de la reproduction), qui appartiennent à un tout unique de l’intuition interne de soi-même.