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IV


DE LA SUPERSTITION[1]

ET DE SES REMÈDES


1790


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Vous me demandez[2] d’où peut venir le penchant à une superstition aujourd’hui croissante, et quel remède on pourrait apporter à ce mal ? Cette question n’est pas moins difficile à résoudre pour les médecins des âmes que le catarrhe (influenza), qui fit, il y a quelques années, très rapidement son tour du monde, et qu’on appelait à Vienne le catarrhe russe. Il attaqua sans remise un grand nombre de personnes, et cessa de lui-même subitement. Ce fut heureux pour nos médecins du corps, qui ressemblent fort aux premiers en ce point, qu’ils décrivent mieux les maladies qu’ils n’en voient l’origine ou ne peuvent y apporter remède. Heureux les malades si ceux

  1. Le mot superstition, dans notre langue, ne traduit pas exactement le Schwœrmerei allemand, dont la signification est plus large ; ce mot signifie tout à la fois l’enthousiasme, la superstition, le fanatisme, la crédulité, en un mot toute espèce de faiblesse d’esprit qui permet l’égarement dans le domaine du merveilleux. — T.
  2. Réponse à Borowski, lorsqu’il écrivait son Cagliostro et le dépeignait comme un des plus curieux aventuriers de notre siècle, et qu’il ajoutait en même temps des observations générales sur le trouble superstitieux de cette époque. Kant donna son jugement sur le fait pendant la composition de cet ouvrage, et il a été imprimé dans ses deux éditions. — Sch.