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RÊVES D'UN HOMME QUI VOIT DES ESPRITS.


doit tôt ou tard les conduire l’un et l’autre qu’à une incertitude pénible ? Il est donc comme démontré, ou bien il pourrait l’être facilement si l’on voulait en prendre le temps, ou bien encore, ce qui est mieux, il sera démontré un jour, je ne sais où ni quand, que l’âme humaine est, dès cette vie même, indissolublement unie avec les natures immatérielles du monde des esprits, qu’elle est en rapport d’action et de réaction avec eux, qu’elle en reçoit des impressions, mais dont elle n’a pas conscience comme homme tant que tout va bien. Il est vraisemblable aussi, d’un autre côté, que les natures spirituelles ne peuvent avoir immédiatement conscience d’aucune impression sensible du monde corporel, parce qu’elles ne sont liées en une personne avec aucune partie de la matière pour avoir conscience par le moyen de leur lieu commun dans l’univers matériel et par des organes artificiels du rapport des êtres étendus entre eux et entre d’autres, mais qu’elles peuvent bien exercer une influence sur les âmes des hommes comme êtres qui leur sont homogènes, et soutenir toujours avec elles un commerce réciproque et réel. Et alors les représentations que contient l’âme comme être dépendant du monde corporel ne peuvent passer dans d’autres êtres spirituels, ni les notions de ces derniers, comme représentations intuitives de choses immatérielles, ne peuvent passer dans la claire conscience de l’homme, pas du moins en conservant leur qualité propre, parce que les matériaux des deux sortes d’idées ne sont pas de même espèce.

    qu’on soit parvenu, il faut cependant retomber pour prendre pied peut-être dans un autre monde. Suivant ces mêmes notions, le ciel serait proprement le monde des esprits, ou, si l’on veut, la partie heureuse des esprits, et il n’y aurait à les chercher ni au-dessus ni au-dessous de soi, parce qu’un semblable tout immatériel ne peut être représenté d’après des distances ou des voisinages par rapport à des choses corporelles ; il ne doit être conçu que dans les liaisons spirituelles de ses parties entre elles ; du moins ses membres n’ont conscience d’eux-mêmes que suivant ces sortes de rapports.