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RÊVES D'UN HOMME QUI VOIT DES ESPRITS.


pareilles présomptions, elles ont encore contre elles, comme vieilles et poudreuses rêveries, la raillerie de la mode. Les anciens croyaient, en effet, pouvoir admettre trois espèces de vie, la végétative, l’animale et la raisonnable. Quand ils en réunissaient les trois principes immatériels dans l’homme, ils pouvaient bien avoir tort ; mais quand ils les distribuaient entre les trois genres de créatures qui se développent et reproduisent leurs semblables, ils disent bien, il est vrai, quelque chose d’indémontrable, mais qui n’était pas absurde pour cela, surtout dans le jugement de celui qui voulait comparer la vie particulière des parties séparées de quelques animaux, l’irritabilité, qui est prouvée, mais qui est en même temps une propriété si inexplicable des fibres d’un corps animal et de quelques plantes, et enfin la proche parenté des polypes et d’autres zoophytes avec les plantes. Du reste, le recours à des principes immatériels est un asile de la philosophie paresseuse, et un mode d’explication de cette nature doit, par cette raison, être évité autant que possible, afin que les raisons des phénomènes cosmiques, qui reposent sur les lois qui régissent le mouvement de la simple matière, et qui seules sont intelligibles, soient connues dans toute leur étendue. Je suis persuadé cependant que Stahl, qui explique volontiers par l’organisme les changements animaux, est souvent plus près de la vérité qu’Hofmann, Boerhaave et beaucoup d’autres, qui négligeant les forces immatérielles de l’organisme, s’attachent aux raisons mécaniques, et suivent en cela une méthode plus philosophique, qui se trouve bien en défaut quelquefois, mais qui réussit souvent, et qui seule dans la science est d’une application utile, quand d’un autre côté on ne peut tout au plus savoir de l’influence des êtres de nature incorporelle qu’une chose, qu’elle existe, et jamais comment elle a lieu ni jusqu’où son action s’étend.

Le monde immatériel comprendrait donc d’abord toutes les intelligences créées, dont quelques-unes sont liées à la matière et forment une personne, et d’autres pas ; ensuite les sujets sensibles dans tous les animaux, et enfin tous les principes de