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Tous les autres phénomènes que présente un cerveau malade peuvent, à mon avis, être regardés ou comme différents degrés des accidents mentionnés, ou comme une malheureuse union de ces affections entre elles, ou bien enfin comme une greffe de ces affections sur des passions énergiques, et surbordonnées par conséquent aux classes indiquées.

En ce qui regarde la première sorte d’affection, l’hallucination, je m’en explique les phénomènes de la manière suivante. L’âme de tout homme, même dans l’état le plus sain, est occupée à peindre toutes sortes d’images de choses qui n’existent pas, qui ne sont pas présentes, ou même, dans la représentation de choses présentes, à achever quelque ressemblance imparfaite par quelque trait chimérique que la faculté créatrice de poétiser met au nombre des sensations. Il n’y a pas de raison de croire que, dans l’état de veille, notre esprit suive en cela d’autres lois que dans le sommeil ; il est bien plus présumable que les vives impressions des sens, dans le premier de ces états, obscurcissent les images plus déliées des chimères et les rendent méconnaissables, tandis que ces images ont toute leur force dans le sommeil, où l’accès des impressions extérieures dans l’âme se trouve fermé. Il n’est donc pas étonnant du tout que des rêves, aussi longtemps qu’ils durent, soient regardés comme des perceptions véritables des choses réelles ; car, étant alors les impressions les plus fortes dans l’âme, elles sont dans cet état précisément ce que sont les sensations dans l’état de veille. Si donc on suppose que certaine chimère, par une cause ou par une autre, a lésé de quelque manière une partie essentielle ou une autre du cerveau, à tel point que l’impression qu’il en ressent soit aussi profonde et aussi régulière en même temps que pourrait l’occasionner une impression sensible, cette fantaisie sera nécessairement prise, par une bonne et saine raison, pour une perception réelle ; autrement, il faudrait opposer des principes rationnels à une sensation, ou à une représentation tout aussi forte qu’une sensation, parce que les sens persuadent bien plus des choses réelles qu’un rai