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Il est difficile de ne pas trahir l’impression d’une émotion par quelque signe extérieur, qui s’annonce naturellement par la contrainte pénible dans le geste ou dans le ton ; et celui qui est trop faible pour dominer ses émotions, laissera visiblement transpirer par le jeu de sa figure (malgré l’avis de sa raison) un intérieur qu’il soustrairait volontiers aux regards d’autrui. Mais ceux qui sont habiles dans cet art ne passeront pas précisément, si on les reconnaît, pour les meilleurs des hommes auxquels on puisse se confier, surtout s’ils sont exercés à se donner artificiellement des airs en opposition avec ce qu’ils sont.

L’art d’interpréter les airs qui révèlent involontairement l’intérieur, mais qui cependant peuvent mentir en cela de propos délibéré, peut fournir l’occasion d’un grand nombre d’observations piquantes ; je ne parlerai que d’une seule. — Si quelqu’un, qui d’ailleurs n’est pas louche, lorsqu’il fait un récit, a les yeux fixés sur le bout de son nez, et louche ainsi accidentellement, ce qu’il dit est toujours un mensonge. — Mais il ne faut cependant pas juger ainsi celui qui louche par infirmité ; il peut être tout à fait exempt de ce vice.

Il y a donc des gestes naturels par lesquels des hommes de toutes les races et de tous les climats s’entendent, même sans convention. De ce nombre sont : l'inclinaison de la tête (dans l’affirmation), la secousse de la tête (dans la négation), la torsion du nez dans la moue (lorsqu’on raille), le rire moqueur (dans le ricanement), le visage allongé (dans le refus de ce qui