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DU SOUVERAIN BIEN MORAL. 261

traire si les saillies intermittentes d'un commensal sont pour lui comme un sujet nouveau d'animation qu'il n'aurait pas su découvrir s'il eût été seul. A une table parfaite, où le nombre des juges n'a d'autre but que d'entretenir longuement les convives {cœnam ducere), la conversation compte ordinairement trois degrés : le récit, le raisonnement et la plaisanterie.—A. Les nouvelles du jour, celles de l'intérieur d'abord, celles de l'étranger ensuite, rapportées par lettres particulières ou par des journaux.— B. Quand ce premier appétit est satisfait, la compagnie est déjà plus animée ; car il est difficile en raisonnant d'éviter la dissidence dans la manière de juger un seul et même objet qui se présente aux esprits; et comme chacun cependant estime la sienne préférable, il s'élève un conflit qui excite l'appétit pour le plat et la bouteille, et qui est d'autant plus salutaire que la contestation a été plus vive, et la part qu'on y a prise plus grande. — C. Mais comme raisonner est encore une espèce de travail et une contention des forces, et que cette contention s'accomplit à la fin difficilement au milieu d'une jouissance passablement grande, la conversation dégénère naturellement en un simple jeu d'esprit, tant pour être agréable à la maîtresse de la maison, que les petites malices, mais non des atta ques humiliantes, qu'on pourrait diriger contre son sexe, mettent à même de se montrer avantageusement pour son esprit ; de sorte que le repas finit par le rire, qui, lorsqu'il est éclatant et de bon cœur, est une attention de la nature. Elle produit par là un mouve·