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boire), il peut compter qu'il est en sûreté; ou si le sel et le pain sont offerts à l'impératrice de Russie par les députés de Moscou qui vont au-devant d'elle, et qu'elle ait pu, sans aller plus loin, s'assurer par cette jouissance, du droit d'hospitalité. — La nourriture prise en commun est donc regardée comme la formalité d'un contrat d'assurance. Manger seul (solipsismus convictorii) est malsain pour un savant qui philosophe (1); ce n'est pas une restauration, c'est plutôt (surtout s'il y a débauche solitaire) épuisement ; c'est un travail qui achève, et non un jeu qui ravive les pensées. L'homme qui jouit, qui mange en pensant en soi-même pendant un repas solitaire, perd insensiblement la galté; il la regagne au con-

({) Car celui qui philosophe doit continuellement ruminer ses pensées, pour trouver, à force de tentatives, à quels principes il doit systématiquement les rattacher; et les idées, n'étant pas des intuitions, flottent en quelque sorte en l'air devant lui. L'historien ou le mathématicien peut au contraire les fixer sous ses regards, et par là même les coordonner empiriquement la plume à la main, suivant les règles générales de la raison, mais cependant comme des faits, et ainsi, par la raison 'que ce qui précède forme comme une série de points, reprendre le jour suivant le travail à l'endroit même où il avait été quitté. — Quant au philosophe, on ne peut absolument pas le considérer comme un ouvrier qui prend parti l'édifice des sciences; c'est-à-dire qu'il ne peut pas être envisagé comme un savant, et qu'il ne faut voir en lui qu'un sage. C'est la simple idée d'une personne qui se donne pour objet tout le savoir comme (dans l'intérêt de celui-là) aussi le savoir spéculatif; et Ton ne peut pas faire usage de ce nom au pluriel; il ne peut s'employer qu'au singulier (le philosophe juge ainsi ou autrement), précisément parce que ce nom n'indique qu'une idée, et que nommer des philosophes ce serait indiquer une pluralité de ce qui est cependant unité absolue.