d’hommes de goût (esthétiquement réunis)[1], comme ils ne sont pas là seulement pour faire un bon dîner, mais encore pour jouir de leur présence mutuelle (puisqu’en pareil cas leur nombre n’est pas beaucoup plus élevé que celui des Grâces), cette petite réunion de table doit moins avoir pour but la satisfaction corporelle, — que chacun peut également se procurer seul, — que le plaisir moral ou social dont l’autre ne doit paraître que le véhicule. Et alors le nombre en question est bien suffisant pour ne pas laisser languir la conversation, à moins qu’il ne faille appréhender encore dans ces petites réunions choisies des a parte avec le plus près voisin. Ce n’est pas alors une conversation de goût, qui doit toujours être telle qu’une seule personne s’entretienne avec toutes les autres (et pas seulement avec son voisin), quand au contraire les galas (festin et bombance) sont tout à fait sans goût. Il va de soi que dans toutes les réunions
- ↑ À un dîner où la présence des dames restreint naturellement la liberté des chapeaux dans les limites des plus strictes convenances, un silence qui se fait quelquefois subitement est un cas plus fâcheux, qui peut durer longtemps, et où personne n’ose hasarder rien de neuf pour alimenter convenablement la conversation, parce qu’il doit le faire non en parlant de la pluie et du beau temps, mais en rapportant quelque nouvelle du jour, d’ailleurs capable d’intéresser. Une seule personne, surtout si c’est la maîtresse de la maison, peut souvent prévenir cette chute, et soutenir constamment la conversation. Il faut, comme dans un concert, qu’elle se termine à la franche satisfaction de tous, et qu’elle soit par là d’autant plus profitable, comme dans le Banquet de Platon, dont le convive dit : « Les dîners ne plaisent pas seulement quand on les prend, mais encore chaque fois qu’on y pense. »