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ple supériorité de l’entendement est le but du premier, et l’argent comptant le but du second) ; enfin les jeux du citoyen qui cherche sa fortune dans les réunions publiques aux cartes ou aux dés, — sont tous suggérés, sans qu’on sans doute, par une nature plus sage, qui se sert des coups du hasard pour développer ses forces dans la lutte. De cette manière, le principe vital s’accoutume à la fatigue et se maintient en haleine. Deux jouteurs s’imaginent qu’ils jouent l’un avec l’autre quand en réalité la nature joue avec eux. La raison peut aisément les en convaincre, s’ils font attention au mauvais choix des moyens employés par eux pour atteindre leur but. — Mais la jouissance qui s’attache à cette excitation parce qu’elle est associée aux idées (quoique mal rendues) de l’opinion, est par là même la cause d’un penchant à une passion des plus vives et des plus durables[1].

Les inclinations de la présomption rendent l’homme superstitieux, et le superstitieux faible, c’est-à-dire disposé à attendre des effets, d’ailleurs importants, de circonstances qui ne peuvent pas être des causes naturelles (propres à faire craindre ou espérer quoi que ce soit). Le chasseur, le pêcheur, le joueur (surtout à la loterie) sont superstitieux, et la présomption qui les

  1. Un particulier de Hambourg qui avait perdu au jeu une fortune considérable passait son temps à voir jouer. Quelqu’un lui demandait un jour comment il supportait l’idée d’avoir été possesseur d’une telle fortune. Il répondit : « Si je finissais par la regagner, je ne saurais cependant pas en faire un usage plus agréable. »