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de l'ambition. 249

lui. Le flatteur (1), les gens qui sont toujours de l'avis des autres, qui laissent toujours le dernier mot à un homme important, nourrissent en lui une passion qui l'affaiblit, et sont les corrupteurs des grands et des puissants qui se livrent à ce charme. L'orgueil est un désir d'honneur trompé qui agit contrairement à son but, et qui ne peut être considéré comme un moyen raisonné de faire servir d'autres hommes (qu'il éloigne de soi) à ses fins ; l'orgueilleux mérite plutôt d'être appelé l'instrument des fripons, un fou. Un jour, un honnête et très judicieux négociant me demandait : « Pourquoi l'orgueilleux est toujours servile? » (car il avait remarqué que celui qui faisait d'abord grande figure, grâce à sa fortune et à sa prépondérance commerciale, s'il vient à se ruiner, se met facilement à ramper). Mon opinion fut que l'orgueilleux ayant la prétention que les autres se méprisent par rapport à lui, et que cette pensée ne pouvant venir qu'à celui qui se sent lui-même disposé à la bassesse, l'orgueil est déjà en soi un signe précurseur infaillible de la bassesse de semblables gens.

(1) Le mot Sehmeichler (flatteur) a bien pu être dans le principe 8ehrniegler (le bas) et signifier quelqu'un qui se courbe et s'incline, pour conduire à volonté un puissant présomptueux, au moyen même de l'orgueil dont il est possédé; de même que le mot Heu-chîer (hypocrite) a dû s'écrire, dans le sens propre, Haeuchler (souffleur), et signifier un trompeur, un homme qui, par les nombreux toupirs (Stossseufzer) dont il entremôle ses discours, joue la pieuse hnmilité en présence d'un dévot puissant.