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la possession de cet objet avant qu’on le connaisse encore est l’instinct (tel est le penchant au mariage, celui des parents chez les animaux à protéger leurs petits, etc.). — Le désir sensible servant de règle (habitude) au sujet s’appelle inclination (inclinatio). — L’inclination par laquelle la raison est empêchée de la comparer, par rapport à un certain choix, avec la somme de toutes les inclinations, est la passion (passio animi).

On voit facilement que les passions, — par le fait qu’elles peuvent se concilier avec la réflexion la plus tranquille et ne doivent pas être inconsidérées comme l’émotion, qu’elles ne sont ni impétueuses ni passagères, mais qu’elles peuvent s’enraciner et se concilier avec le raisonnement, — portent la plus grande atteinte à la liberté, et que si l’émotion est une ivresse, la passion est une maladie, qui résiste à tous les moyens thérapeutiques, et qui est pire que tous ces mouvements passagers de l’âme, qui du moins excitent la résolution de l’améliorer, tandis que la passion est un enchantement qui exclut l’amélioration morale.

On appelle la passion du nom de manie (Sucht) (manie de la gloire, manie de la vengeance, manie de la domination, etc.) ; excepté en fait d’amour, où l’on dit : être amoureux. C’est que, quand le désir de cette dernière espèce a été satisfait (par la jouissance), il cesse aussitôt, du moins, par rapport à la même personne ; en sorte qu’on peut bien représenter comme passion un état amoureux passionné (tant que l’autre partie persiste dans son refus) ; mais on ne peut représenter ainsi aucun amour physique, parce qu’un amour