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ne possède que de l’entendement et une forte imagination, peut souvent plus toucher par une émotion affectée (artificielle) que par une émotion véritable. Un véritable amoureux est embarrassé, maladroit et peu engageant en présence de sa maîtresse. Celui-là au contraire qui fait simplement l’amoureux et qui a d’ailleurs du talent, peut jouer si naturellement son rôle qu’il fasse tomber dans ses filets la pauvre égarée, précisément parce que son cœur restant libre sa tête est lucide, et qu’il est en pleine possession du libre usage de son habileté et de ses forces pour peindre très naturellement l’amour.

Le rire franc (à cœur joie) est (en tant qu’il fait partie de l’émotion joyeuse) sociable ; le rire dissimulé (le ricanement) est hostile. Le distrait (comme Terrasson avec le bonnet de nuit au lieu de la perruque sur la tête et le chapeau sous le bras, s’avançant gravement pour prendre part à la querelle scientifique de la supériorité des anciens sur les modernes ou à l’inverse), est souvent une occasion du premier de ces rires ; il est plaisanté, mais cependant pas moqué. Le bizarre spirituel est moqué sans qu’il en souffre ; il se mêle au jeu. — Un plaisant grossier (sans esprit) est fade et rend la société insipide. Celui qui n’y rit point est ou chagrin ou pédant. Des enfants, des petites filles surtout, doivent être habitués de bonne heure à rire de bon cœur, sans contrainte, car la sérénité des traits du visage passe insensiblement de cette manière dans l’intérieur, et prépare ainsi une disposition à la gaîté, à l’affabilité et à la sociabilité,