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DU GOUT. 205

§ LXX.

Observations anthropologiques sur le goût. A DU GOUT DE LA MODE. L'homme est naturellement porté à se comparer dans sa conduite avec ceux de ses semblables qui ont quelque chose de plus expressif (c'est 1 inclination de l'enfant à l'égard des grandes personnes, de l'inférieur à l'égard du supérieur), et à prendre leurs manières. Une loi de cette imitation, pour ne pas paraître au-dessous des autres, même en ce qui n'est en rien nécessaire, s'appelle mode. La mode est donc une affaire de vanité, parce qu'elle n'a en vue aucune valeur intrinsèque; c'est même une folie, puisqu'elle renferme une violence qui fait que nous nous conduisons servilement par l'exemple que nous donne la multitude en société. Etre à la mode est une affaire de goût. Celui qui n'y est pas, qui suit un ancien usage, est du vieux temps; celui qui ne tient pas à être à la mode est un homme singulier. Mieux vaut cependant être extravagant avec la mode qu'en dehors d'elle, si toutefois on veut appeler de ce nom sévère cette vanité en général. Mais la fureur de la mode mérite réellement d'être appelée folie quand elle sacrifie k cette frivolité l'utilité véritable ou même des devoirs.—Toutes les modes sont déjà, d'après leur notion même, des genres de vie sujets au changement. Car, lorsque le jeu de l'imitation se fixe, l'imitation se convertit en usage, et le goût n'a plus rien à