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et la manière dont elles s’appuient entre elles, n’est qu’une espèce de génie subalterne, mais cependant pas commun. — Il y a aussi une érudition gigantesque, mais qui est souvent cyclopique ; elle manque d’un œil, celui de la vraie philosophie, qui lui serait cependant nécessaire pour utiliser régulièrement, au moyen de la raison, cette masse de savoir historique, la charge de cent chameaux.

Les purs naturalistes de tête (élèves de la nature, autodidacti), peuvent, en beaucoup de cas, passer aussi pour des génies, parce que, tout en ayant pu apprendre d’autrui beaucoup de choses qu’ils savent, il les ont trouvées d’eux-mêmes, et sont encore des génies dans ce qui n’est pas une affaire de génie : c’est ainsi qu’en matière d’arts mécaniques il y a beaucoup d’inventeurs de ce genre en Suisse. Mais un enfant phénoménal pour l’intelligence (ingenium prœcox), comme Heineck à Lubeck, ou Buratier à Halle, sont des écarts de la nature, des curiosités pour le cabinet des naturalistes, qui sont assurément d’une maturité surprenante pour leur âge, mais qui laissent souvent des regrets profonds à ceux qui l’ont excitée.

Comme enfin tout usage de la faculté de connaître a besoin pour son propre avancement, même en théorie, des règles de la raison, sans lesquelles il ne pourrait se diriger, on peut réduire ici la prétention de la raison à trois questions qui se posent au nom des trois grandes facultés de l’intelligence :