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le produit est digne de servir de modèle (exemplar). Le génie d’un homme est donc « l’originalité exemplaire de son talent » par rapport à telle ou telle espèce de production artificielle. Mais on appelle aussi une tête qui a ces dispositions un génie ; mot par lequel on veut indiquer alors non seulement le don naturel d’une personne, mais aussi la personne même. — Un génie dans plusieurs parties est un vaste génie (comme Léonard de Vinci).

Le champ propre au génie est celui de l’imagination. Parce que cette faculté est créatrice, et que, moine soumise à la discipline des règles, elle est par là même d’autant plus capable d’originalité. — Le mécanisme de l’instruction, qui astreint constamment l’élève à l’imitation, est toujours contraire à l’éclosion du génie, en ce qui regarde l’originalité. Mais chaque art a pourtant besoin de certaines règles mécaniques fondamentales, à savoir de la conformité du produit à l’idée supposée, c’est-à-dire à la vérité dans l’expression de l’objet conçu. Cela doit donc être enseigné avec une rigueur didactique, et n’est sans doute qu’un effet de l’imitation. Affranchir l’imagination de ce frein, permettre au talent propre de se comporter contrairement à la nature, sans règle, et d’extravaguer, serait peut-être favoriser une folie originale, mais qui ne serait assurément pas exemplaire, et qui ne pourrait par conséquent être appelée du génie.

Le génie est le principe vivifiant dans l’homme. En français, le mot esprit indique à la fois le génie et l’esprit proprement dit (Geist et Witz). En allemand,