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§LVI.

C

DE L’ORIGINALITÉ DE LA FACULTÉ DE CONNAITRE OU DU GÉNIE.

Inventer et découvrir quelque chose sont fort différents l’un de l’autre. En effet, la chose que l’on découvre existe avant qu’elle soit découverte; seulement, elle était inconnue jusque-là. Telle l’Amérique avant Colomb. Ce qu’on invente au contraire, par exemple la poudre à canon, est absolument inconnu avant l’artiste[1] qui le produit. L’invention et la découverte peuvent être toutes deux méritoires. On peut trouver quelque chose qu’on ne cherche absolument pas (comme Goldkoch trouva le phosphore), et alors il n’y a pas de mérite. — Le talent de l’invention s’appelle génie. Mais on ne donne jamais ce nom qu’à un artiste, par conséquent à celui qui entend faire quelque chose, et non à celui qui connaît et sait seulement beaucoup de choses; on ne le donne pas non plus à un artiste qui ne fait qu’imiter, mais seulement à celui qui a des dispositions à produire originellement son monde (seine Welt), et enfin à celui-là seul encore dont

  1. La poudre à canon a été employée longtemps avant l’époque du moine Schwartz, au siège d’Algésiras, et l’invention, semble en être due aux Chinois. Il peut se faire toutefois que cet allemand, qui eut de cette poudre entre les mains, en ait essayé l’analyse (par exemple par la lessive du salpêtre qu’elle renferme, par le lavage du charbon et la combustion du soufre), et qu’ainsi il l’ait découverte, quoique pas inventée.