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un don de la nature qui fait pressentir où la vérité pourrait bien se rencontrer, qui met sur la trace des choses, et qui profite des moindres circonstances d’affinité pour découvrir ou pour inventer ce qui est cherché. La logique des écoles n’enseigne rien là-dessus. Mais un Bacon de Vérulam donne, dans son Organon, un éclatant exemple de la méthode à suivre pour découvrir, par l’expérimentation, les propriétés cachées des choses naturelles. Mais cet exemple même ne suffit pas pour apprendre, par des règles déterminées, comment on doit chercher avec succès ; car il faut pour cela supposer toujours quelque chose (partir d’une hypothèse) d’où l’on prend ensuite sa marche ; ce qui doit se faire en suivant des principes, certaines indications aboutissant à des conséquences prévues ; en cela précisément consiste la manière dont on doit pressentir ces conséquences. En effet, chercher à l’aveugle, s’en rapporter à sa bonne fortune, comme si en se heurtant contre une pierre on découvrait du minerai, et puis un filon, c’est là une mauvaise instruction pour faire des recherches. Il y a cependant des gens qui ont le talent de découvrir, comme avec une baguette divinatoire, les trésors de la connaissance, et sans avoir rien appris en fait de méthode ; il est vrai qu’ils peuvent non pas enseigner aux autres leur art, mais seulement le pratiquer devant eux, et cela, parce que c’est un don naturel.