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chasse aux mots spirituels {bons mots), comme la faisait avec grand succès l’abbé Trublet, mettant pour cela son esprit à la torture, rend les intelligences superficielles, ou inspire de l’éloignement pour celles qui sont profondes. L’esprit est inventeur en fait de modes, c’est-à-dire en matière de règles de conduite qui ne plaisent que par la nouveauté et qui doivent faire place à d’autres formes aussi passagères, avant de devenir un usage.

L’esprit qui joue sur les mots est insipide; mais la vaine recherche du jugement (micrologie) est pédan-tesque. Un esprit comique est celui qui procède de la disposition au paradoxe, et qui néanmoins laisse entrevoir sous le ton ouvert de la simplicité le malin dessein d’exposer quelqu’un {ou même sa propre opinion) à la risée, puisque le contraire de ce qui mérite l’assentiment est relevé par des éloges apparents {persiflage) : par exemple dans Y Art de ramper en poésie de Swift, ou dans l’Hudibras de Butler. L’esprit qui consiste à rendre encore plus méprisable par le contraste ce qui Test déjà, excite vivement par la surprise de l’inattendu, mais ce n’est jamais qu’un jeu et un esprit léger (comme celui de Voltaire). Au contraire, l’esprit qui habille des principes vrais et importants (comme Young dans ses satires), peut être appelé un esprit lourd, parce que c’est une besogne, et qu’il excite plus l’admiration que le plaisir.

Un proverbe (proverbium) n’est pas un mot spirituel (un bon mot) : c’est une formule devenue commune, qui exprime une pensée de nature à être trans-