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164 de l'intelligence.

C'est en effet une pierre de touche subjectivement nécessaire de la justesse de nos jugements en général, et par suite de la santé de notre entendement, de rapporter cet entendement à celui des autres, et non de nous tenir isolés avec notre manière de voir, et de juger cependant d'une manière pour ainsi dire publique avec notre représentation propre. C'est pourquoi l'interdiction des livres qui n'ont pour objet que des opinions théoriques (lors surtout qu'ils ne doivent exercer aucune influence sur le faire et l'omettre légal) est une offense à l'humanité: on nous ôte parla, sinon l'unique moyen, du moins le plus grand et le plus utile de rectifier nos propres pensées. Par le fait que nous leur donnons de la publicité, c'est que nous voulons voir si elles s'accordent aussi avec l'entendement d'autrui, parce qu'autrement quelque chose de purement subjectif (par exemple une habitude ou une inclination) serait facilement pris pour objectif: tel est le cas de l'apparence où l'on dit de quelqu'un qui en est dupe : «il se trompe» ; ou plutôt où l'on est conduit par cette apparence à se tromper soi-même dans l'application d'une règle. — Celui qui n'use pas de cette pierre de touche, mais qui se met dans la tête de croire son sens privé infaillible, sans qu'il soit d'accord avec le sens commun, ou lors même qu'il y est contraire, celui-là est soumis à un jeu de pensées où il ne s'aperçoit pas, ne s'éprouve pas et ne se juge pas dans un monde commun avec les autres, mais (comme dans le rêve) se voit, s'éprouve et se juge dans un monde à lui propre. — Quelquefois cependant les expressions