Page:Kant - Anthropologie.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cause d’imaginations qui ont pour objet un mal physique, avec conscience que ce sont des imaginations, mais sans qu’on puisse s’empêcher, par ci par là, de les prendre pour un mal réel ; ou réciproquement, lorsqu’en parlant d’un mal physique réel (comme celui du balonnement qui se manifeste après avoir pris des aliments venteux), on s’imagine toutes sortes d’accidents et de chagrins à propos de ses affaires, imaginations qui disparaissent aussitôt après la digestion, quand le gonflement a cessé. L’hypocondriaque est un rêveur (fantaste) de l’espèce la plus triste, en ce sens qu’on ne peut le désabuser de ses chimères, et qu’il est toujours pendu au cou du médecin qui le soigne avec douceur, et qui ne peut le tranquilliser que comme il ferait un enfant (avec des pillules de mie de pain en guise de médicaments). Et quand ces sortes de malades, qui peuvent n’avoir d’autre mal que cette infirmité continuelle, s’avisent de consulter des livres de médecine, ils deviennent alors intolérables, parce qu’ils croient ressentir dans leur corps toutes les souffrances dont ils lisent la description dans le livre. — Un symptôme de cette maladie de l’imagination, c’est l’enjouement extraordinaire, l’esprit vif et le rire joyeux auxquels ces sortes de patients s’abandonnent quelquefois ; c’est ainsi qu’ils sont toujours le jouet mobile de leurs caprices. La crainte puérilement mêlée d’angoisse à la pensée de la mort fait l’aliment de cette maladie. Mais celui qui n’écarte pas cette pensée avec un mâle courage, ne sera jamais bien content de la vie.