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DE L'INTELLIGENCE

En ce qui regarde la représentation sensible, le désordre de l’âme est ou démence (Unsinnigkeit), ou hallucination (Wahnsim). Comme perturbation du jugement et de la raison, il prend le nom d’aliénation (Wahnwitz), ou de délire (Aberwitz). Celui qui, dans ses imaginations, se met habituellement en dehors des lois de l’expérience (qui rêve éveillé), est un visionnaire (Phantast, rêveur). Si sa rêverie est accompagnée d’exaltation (Affect), c’est un enthousiaste. Les accès imprévus du visionnaire prennent le nom de ravissements (Ueberfaîle, raptus).

Le simplard (Einfaltige), l’insensé (Unkluge), le bête (Dumme), le sot (Geck), l’imbécille (Thor) ou le fat (Narr) se distinguent du maniaque (Gestorten) non seulement en degrés, mais encore par la nature de l’affection morbide ; on n’est pas encore dans la nécessité de renfermer les premiers, pour cause de leurs méfaits, dans un hospice d’aliénés, c’est-à-dire dans un lieu où des hommes, malgré la maturité et la force de leur âge, doivent cependant être contenus dans l’ordre par une raison étrangère, par rapport aux moindres intérêts de la vie. Le délire avec exaltation est fureur (Tollheit) ; laquelle souvent peut être originale, mais involontaire dans son invasion, et servant alors de limite au génie, comme l’inspiration poétique (furor poeticus). Un pareil accès, s’il provient du flux facile, quoique désordonné d’idées surabondantes, et lorsqu’il intéresse la raison, prend le nom d’enthousiasme (Schwaermerei). L’absorption (das Hinbrüten) dans une seule et même idée qui n’aboutit