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DE L'INTELLIGENCE


fondée sur les lois de l’expérience (naturelle par conséquent), que la seconde est contraire aux lois connues de l’expérience (non naturelle par le fait), et que la troisième est une inspiration provenant d’une cause différente de la nature (surnaturelle donc), ou réputée telle. Cette faculté, paraissant provenir de l’action d’une divinité, est appelée divinatrice par excellence (ce n’est qu’improprement qu’on appelle aussi divination toute découverte judicieuse de l’avenir).

Quand on dit de quelqu’un : il prédit tel ou tel événement, on ne veut indiquer par là qu’un talent tout naturel. Mais il faut dire de celui qui se flatte en cela d’une vue surnaturelle qu’il est devin, comme les bohémiens d’origine hindoue, qui prétendent lire dans les planètes en prédisant l’avenir à l’inspection de la main ; ou les astrologues ou les chercheurs de trésors cachés, parmi lesquels il faut ranger encore les faiseurs d’or. Au-dessus d’eux tous brille dans l’antiquité grecque la Pythie, et de nos jours le mendiant sibérien Schaman. Les prédictions des auspices et des aruspices de Rome avaient pour but, moins de découvrir ce qu’il y a de caché dans le cours des événements du monde que la volonté des dieux, à laquelle leur religion leur faisait un devoir de se conformer. — Mais comme les poètes finirent par se regarder aussi comme inspirés (ou possédés) et à se réputer devins (vates), et à prendre leur enthousiasme poétique (furor poeticus) pour des inspirations, on comprend pourquoi le poète avec la muse n’exécute pas, comme le prosateur, un travail de commande ; il doit