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DES PRÉVISIONS.


possible, et le but auquel l’homme consacre ses forces. Tout désir implique la prévoyance (douteuse ou contraire) de ce qui peut le satisfaire. Le retour vers le passé (le souvenir) n’a lieu que dans le but de rendre par là possible la prévision de l’avenir, puisqu’on général nous ne regardons autour de nous, du point de vue du présent, que pour en conclure quelque chose ou y être préparés.

La prévoyance empirique est l’attente de cas semblables (exspectatio casuum similium), et n’a pas besoin de raisonner sur les causes et les effets, mais seulement de se rappeler les événements observés, la manière dont ils se suivent ordinairement ; en quoi des expériences réitérées produisent une certaine habileté. Le temps qu’il doit faire intéresse vivement le navigateur et le paysan. Aussi n’allons-nous pas aussi loin dans nos prédictions de la pluie et du beau temps que ce qu’on appelle le calendrier du cultivateur, dont les prophéties sont recueillies avec soin quand elles tombent juste, et oubliées quand elles tombent à faux, et jouissent ainsi d’un éternel crédit. — On devrait presque penser que la Providence a voulu enchevêtrer d’une manière si impénétrable le jeu des saisons pour qu’il ne fût pas aussi facile à l’homme de faire pour chaque époque les dispositions nécessaires, afin de le forcer à faire usage de son entendement, de façon à se trouver prêt pour toutes les éventualités.

Il n’est pas très honorable, en effet, pour l’esprit humain de vivre au jour le jour (sans prévision ni