partiennent, ils seraient incapables et indignes, à cause de la
dureté de leur cœur, d’être traités d’après cette règle, et que
par conséquent ils ont besoin d’être maintenus dans l’ordre par
un pouvoir suprême qui se conduise uniquement d’après les
règles de la prudence. Mais que l’on songe aux suites de ce
coup de désespoir (salto mortale) : dès qu’il ne s’agit plus de
droit, mais seulement de pouvoir, le peuple peut bien aussi
faire sentir le sien et rendre ainsi incertaine toute constitution
légale. S’il n’y a pas quelque chose qui oblige immédiatement
au respect (comme les droits de l’homme), toutes les influences
sur la volonté des hommes sont alors impuissantes à dompter
leur liberté. Mais si, à côté de la bienveillance, le droit parle
haut, la nature humaine n’est pas tellement dégradée qu’elle ne
puisse entendre sa voix avec un profond respect.
Tum pietate gravem ac meritis si forte virum quem
Conspexere, silent arectisque anribus adstant.
Virgile.
Du rapport de la théorie à la pratique dans le droit des gens considéré sous le point de vue d’une philanthropie universelle, c’est-à-dire sous un point de vue cosmopolitique[1].
(Contre Moses Mendelssohn).
Faut-il aimer l’espèce humaine en général, ou bien est-ce un
objet que l’on doive regarder avec défiance, auquel on souhaite
sans doute (pour ne pas tomber dans la misanthropie) tout le
bien possible, mais dont il n’y ait jamais aucun bien à attendre,
et dont par conséquent il vaille mieux détourner les yeux ? La
réponse à cette question dépend elle-même de celle que l’on
fera à cette autre : Y a-t-il dans la nature humaine des dispositions qui puissent faire espérer que l’espèce ira toujours s’a-
- ↑ On ne voit pas tout de suite comment la supposition d’une philanthropie universelle conduit à une constitution cosmopolitique, et celle-ci à l’établissement d’un droit des gens, comme au seul état où les dispositions de l’humanité, qui rendent aimable notre espèce, puissent être convenablement développées ; — la conclusion de cet article mettra ce rapport on lumière.