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notre propre droit avec une extrême rigueur (ce qui serait contraire au devoir de la vertu), mais il oblige les puissants à ne porter atteinte au droit de personne par aversion ou par commisération pour d’autres ; ce qui exige avant tout une constitution intérieure de l’État, fondée sur de purs principes de droit, et ensuite une union établie entre cet État et les autres États voisins ou même éloignés pour terminer légalement leurs différends (quelque chose d’analogue à un État universel). — Cette proposition ne veut dire autre chose, sinon que les maximes politiques ne doivent pas se fonder sur le bien-être et le bonheur, que chaque État peut espérer en retirer, et par conséquent sur l’objet que chacun peut avoir pour but (sur le vouloir) comme principe suprême (mais empirique) de la politique, mais sur la pure idée du devoir de droit (dont le principe est donné à priori par la raison pure), quelles qu’en puissent être d’ailleurs les conséquences physiques. Le monde ne périra point parce qu’il y aura moins de méchants. Le mal moral a cette propriété inséparable de sa nature, qu’il se combat et se détruit lui-même en ses desseins (surtout dans les relations de ceux qui ont les mêmes dispositions) et qu’il fait ainsi place, mais par un progrès lent, au principe (moral) du bien.

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Il n’y a donc pas objectivement (en théorie) d’opposition entre la morale et la politique. Subjectivement, au contraire (par une suite du penchant égoïste des hommes ; je dirais dans la pratique, si cette expression ne supposait pas une conduite fondée sur les maximes de la raison), il y a et il y aura toujours une opposition de ce genre, car elle sert d’aiguillon à la vertu. Son vrai courage, dans le cas présent (selon la maxime : tu ne cede malis, sed contra audentior ito), consiste moins à braver avec une ferme résolution les maux et les sacrifices qui peuvent nous être imposés qu’à attaquer et à vaincre au dedans de nous le mauvais principe, dont l’artificieux mensonge et les sophismes perfides tendent sans cesse à nous persuader que la fragilité humaine justifie tous les crimes.

Dans le fait le moraliste politique peut dire que le prince et le peuple ou le peuple et le peuple ne se font pas réciproquement tort quand ils emploient la force ou la ruse pour se combattre,