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seule les a poussés dans ces climats. Le premier instrument de guerre[ndt 1], parmi tous les animaux que l’homme a dû apprendre à dompter et à apprivoiser, dans le temps où la terre commençait à se peupler, c’est le cheval (car l’éléphant appartient à un temps postérieur ; il a servi au luxe d’États déjà formés). De même l’art de cultiver certaines espèces de graminées ou de céréales, dont la nature primitive nous est aujourd’hui inconnue, celui de multiplier et d’améliorer les arbres fruitiers au moyen de la transplantation et de la greffe (peut-être n’y en eût-il d’abord en Europe que deux espèces, les pommiers et les poiriers sauvages), n’ont pu naître que dans des États déjà constitués, là où il pouvait y avoir des propriétés foncières assurées. Il fallut d’abord que les hommes, qui vivaient jusque-là dans un état de sauvage indépendance, passassent de la vie de chasse[1] ou de pêche et de la vie pastorale à la vie agricole qu’ils découvrissent le sel et le fer, et peut-être qu’ils trouvassent, en les cherchant au loin, les premiers objets d’un commerce qui engageât d’abord les différents peuples dans des relations pacifiques et leur fit contracter, même avec les plus éloignée, des rapports de convention et de société.

La nature, en faisant en sorte que les hommes pussent vivre partout sur la terre, a voulu aussi despotiquement que cela fut pour eux une nécessité, à laquelle ils obéissent même contre leur penchant et sans que cette nécessité renfermât pour eux l’idée d’un devoir qui les obligeât au nom de la loi morale ; — la guerre est le moyen qu’elle a choisi pour arriver à ce but. — Nous voyons, en effet, des peuples qui témoignent de l’identité de leur origine par celle de leur langage : les Samoyèdes,

  1. Kriegswerkzeug.
  1. De tous les genres de vie celui de la chasse est sans doute le plus contraire à l’état de civilisation ; car les familles, qui sont alors forcées de s’isoler et de se disperser dans de vastes forêts, deviennent bientôt étrangères les unes aux autres et même ennemies, chacune d’elles ayant besoin de beaucoup d’espace pour se procurer sa nourriture et ses vêtements. — La défense faite à Noé de s’abstenir du sang (Gen. IX, 4-6), qui souvent renouvelée devint ensuite la condition imposée par les Juifs chrétiens aux païens pour leur admission dans le christianisme (Act. Apost. XV, 20 ; XXI, 25), semble n’avoir été dans le principe que la défense de la vie de chasseur, puisque le cas de manger de la chair crue doit se présenter souvent dans ce genre de vie, et qu’ainsi l’on ne peut défendre l’un sans défendre aussi l’autre.