trône qui est la source suprême de toute législation morale, condamne absolument la guerre comme voie de droit, et elle fait de l’état de paix un devoir immédiat. Or, comme cet état ne peut être fondé et garanti sans un pacte des peuples entre eux, de là résulte la nécessité d’une alliance d’une espèce particulière, qu’on pourrait appeler alliance de paix[ndt 1] (fœdus pacificum), et qui différerait du traité de paix[ndt 2] (pactum pacis), en ce qu’elle terminerait à jamais toutes les guerres, tandis que celui-ci n’en finit qu’une seule. Cette alliance n’aurait pas pour but l’acquisition de quelque puissance de la part d’un État, mais simplement la conservation et la garantie de sa liberté et de celle des autres États alliés, sans qu’ils eussent besoin pour cela de se soumettre (comme les hommes dans l’état de nature) à des lois publiques et à une contrainte réciproque. — La possibilité de réaliser cette idée d’une fédération, qui doit s’étendre insensiblement à tous les États et les conduire ainsi à une paix perpétuelle (la réalité objective de cette idée) peut être démontrée. Car, si le bonheur voulait qu’un peuple puissant et éclairé se constituât en république (gouvernement qui, par sa nature, doit incliner à la paix perpétuelle), il y aurait dès lors un centre pour cette alliance fédérative : d’autres États pourraient s’y joindre, afin d’assurer leur liberté, conformément à l’idée du droit des gens, et elle s’étendrait chaque jour davantage par de nouvelles adjonctions.
Qu’un peuple dise : « Il ne doit point y avoir de guerre entre nous, car nous voulons nous constituer en État, c’est-à-dire nous donner à nous-mêmes un suprême pouvoir législatif, exécutif et judiciaire, qui termine pacifiquement tous nos différends ; » cela se comprend. — Mais si ce peuple dit : « Il ne doit point y avoir de guerre entre les autres États et moi, quoique je ne reconnaisse point de pouvoir législatif suprême, qui garantisse mon droit et à qui je garantisse le sien ; » on ne comprend pas sur quoi je veux fonder alors la confiance en mon droit, si ce n’est sur ce libre fédéralisme, supplément du lien de la société civile, que la raison doit nécessairement joindre à l’idée du droit des gens, pour que ce terme ne soit pas absolument vide de sens.