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PETITS ÉCRITS RELATIFS AU DROIT

jugement de son public. Un citoyen ne peut refuser de payer les impôts dont il est frappé ; on peut même punir comme un scandale (qui pourrait occasionner des résistances générales) un blâme intempestif des droits qui doivent être acquittés par lui. Mais pourtant il ne manque pas à son devoir de citoyen en publiant, à titre de savant, sa façon de penser sur l'inconvenance ou même l'iniquité de ces impositions. De même un ecclésiastique est obligé de suivre, en s'adressant aux élèves auxquels il enseigne le catéchisme, ou à ses paroissiens, le symbole de l'Église qu'il sert ; car il n'a été nommé qu'à cette condition. Mais, comme savant, il a toute liberté, et c'est même sa vocation, de communiquer au public toutes les pensées qu'un examen sévère et consciencieux lui a suggérées sur les vices de ce symbole, ainsi que ses projets d'amélioration touchant les choses de la religion et de l'Église. Il n'y a rien là d'ailleurs qui puisse être un fardeau pour sa conscience. Car ce qu'il enseigne en vertu de sa charge, comme fonctionnaire de l'Église, il ne le présente pas comme quelque chose sur quoi il ait la libre faculté d'enseigner ce qui lui paraît bon, mais comme ce qu'il a la mission d'exposer d'après l'ordre et au nom d'autrui. Il dira : notre Église enseigne ceci ou cela ; voilà les preuves dont elle se sert. Il montrera alors toute l'utilité pratique que ses paroissiens peuvent retirer d'institutions auxquelles il ne souscrirait pas lui-même avec une entière conviction, mais qu'il peut néanmoins s'engager à exposer, parce qu'il n'est pas du tout impossible qu'il n'y ait là quelque vérité cachée, et que dans tous les cas du moins on n'y trouve rien de contraire à la religion intérieure. Car, s'il croyait y trouver quelque chose de pareil, il ne pourrait remplir ses fonctions en conscience ; il devrait les déposer. L'usage qu'un homme chargé d'enseigner fait de sa raison devant ses paroissiens est donc simplement un usage privé ; car ceux-ci ne forment jamais qu'une assemblée domestique, si grande qu'elle puisse être, et sous ce rapport, comme prêtre, il n'est pas libre et ne peut pas l'être, puisqu'il exécute un ordre étranger. Au contraire, comme savant, s'adressant par des écrits au public proprement dit, c'est-à-dire au monde, ou dans l'usage public de sa raison, l'ecclésiastique jouit d'une liberté illimitée de se servir de sa propre raison et de parler en son propre nom. Car vouloir que les tuteurs du peuple (dans les choses spirituelles) restent eux-mêmes toujours