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contrefacteur se charge de l’affaire sans une permission du propriétaire (de l’auteur), mais même contre sa volonté. En effet, comme ce qui constitue la contrefaçon, c’est que l’on s’immisce dans une affaire dont un autre a reçu la procuration de l’auteur même, en obtenant l’autorisation d’éditer son ouvrage, la question est de savoir si l’auteur peut accorder encore à un autre la même autorisation. Or il est clair que, comme alors chacun des deux, le premier éditeur et celui qui entreprendrait ensuite une autre édition (le contrefacteur), traiterait l’affaire de l’auteur avec un seul et même public, le travail de l’un rendrait inutile celui de l’autre, et qu’ils se porteraient réciproquement préjudice ; que par conséquent un traité de l’auteur avec un éditeur renfermant cette restriction, que l’auteur pourra encore accorder à tel ou tel la faculté d’éditer son ouvrage est impossible ; qu’ainsi l’auteur n’a pas le droit d’accorder cette autorisation à un autre (comme contrefacteur), et qu’elle n’a même jamais pu être présumée ; d’où il suit que la contrefaçon est une chose tout à fait contraire à la volonté légitime du propriétaire, encore qu’elle soit entreprise en son nom.

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Il suit de là aussi que ce n’est pas l’auteur, mais l’éditeur chargé de ses pouvoirs, qui est lésé ; car, comme le premier a entièrement abandonné au second son droit sur la gestion de son affaire et ne s’est point réservé d’en disposer encore de son côté, celui-ci est seul propriétaire de cette gestion d’affaire, et c’est à son droit que le contrefacteur porte atteinte, non à celui de l’auteur.

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Mais, comme ce droit de la gestion d’une affaire, qui peut être tout aussi bien conduite par un autre avec une exactitude ponctuelle, — quand rien de particulier n’a été convenu à cet égard, ne saurait être considéré en soi comme inaliénable[1] (jus personalissimum), l’éditeur a le droit de concéder son droit d’éditeur à un autre, car il est propriétaire de la procuration de l’auteur ; et, puisque celui-ci y doit nécessairement consentir, celui qui reçoit l’affaire de seconde main n’est pas un

  1. Unveraeusserlich.