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p. 202 DOCTRINE DU DROIT.

aurait la liberté de choisir entre la mort et les tra­vaux forcés, je dis que l'homme d'honneur eût pré­féré la mort, et le coquin, les mines : ainsi va la na­ture de l'esprit humain. En effet, le premier connaît quelque chose qu'il estime encore plus que la vie elle-même, à savoir l'honneur, tandis que le second regar­dera toujours une vie chargée de honte comme préfé­rable à la mort (animam prœferre pudori. Juven.). Or le premier est sans contredit moins punissable que le second, et ils sont punis, par la mort qu'on leur inflige également à tous deux, d'une manière tout a fait pro­portionnelle à leurs sentiments : le premier doucement, et le second, durement. Si, au contraire, on les con­damnait l'un et l'autre aux travaux forcés à perpétuité, le premier serait puni trop sévèrement, et le second trop doucement, eu égard à sa bassesse. La mort est donc, même dans le cas où il s'agit de décider du sort de plusieurs conjurés, le meilleur niveau que puisse appliquer la justice publique. — D'ailleurs on n'a ja­mais entendu dire qu'un criminel condamné à mort pour un meurtre se soit plaint que la peine fût trop forte et par conséquent injuste ; s'il tenait un pareil langage, chacun lui rirait au nez. —Autrement il faudrait admettre que, quoique le criminel ait mérité la mort d'après la loi, la puissance législative de l'État n'a pas le droit d'appliquer ce genre de peine, et que, quand elle le fait, elle se met en contradiction avec elle-même. Tous ceux donc qui ont commis un meurtre ou qui l'ont ordonné, ou qui y ont coopéré, doivent être punis de mort ; ainsi le veut la justice, dont l'idée