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ANALYSE CRITIQUE

chose corporelle, soit les obligations d’une autre personne, soit cette personne même ; sous le second, le droit est ou réel, ou personnel, ou personnel d'espèce réelle, et ces trois dernières divisions correspondent aux trois précédentes. Telles sont donc celles que suivra Kant dans l’étude qu’il aborde maintenant. Il commence par le droit réel.

Droit réel ; sa définition.

On définit ordinairement le droit réel on le droit sur une « le droit que nous avons sur tout possesseur de cette chose [1] ; » et c’est là une bonne définition. En effet, comme on l’a vu, le droit de revendiquer une chose extérieure auprès de quiconque en serait le détenteur et de le contraindre à nous la restituer, est le signe de la possession juridique de cette chose. Mais sur quoi se fonde-t-il ? Est-ce sur un rapport immédiat entre moi et la chose possédés ; en d’autres tenues, mon droit à l’égard des choses corporelles se rapporte t-il directement à ces choses mêmes ? s’il en était ainsi, le devoir correspondant toujours au droit, il faudrait se représenter les choses comme demeurant obligées envers leur premier possesseur, alors même qu’elles seraient sorties de ses mains. Or il est absurde de supposer un rapport de ce genre entre les choses et nous. Aussi bien, si l’on feint qu’il n’y ait qu’un seul homme sur la terre, n’y aura-t-il point, à proprement parler, de droit réel pour lui, puisque entre les choses et lui il est impossible de concevoir aucun rapport d’obligation. Le droit réel lui-même se rapporte donc immédiatement- aux personnes, non aux choses : il a son fondement dans un certain rapport, à l’égard des choses, entre les autres personnes et nous. Ce rapport n’est autre que la possession originairement commune des choses ; là est le principe du droit réel. En effet, toutes choses étant originairement communes à tous, c’est-à-dire était à la disposition de tous, chacun a le droit de s’emparer de chacune, pour en user particulièrement, pourvu qu’il reconnaisse le même droit à tous les autres, etquhainsi la liberté de chacun s’accorde en cela avec celle de tous. C’est delà que se tire le droit d’exclure tout autre possesseur de l’usage particulier de la chose que l’on s’est appropriée. Si donc on veut donner du

  1. 1 P.88.