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tement sur la possession d'un autre, si celui-ci ne lui donne également l'assurance qu'il observera la même reserve à son égard. Il n'a donc pas besoin d'attendre qu'il ait été instruit par une triste expérience des in­tentions contraires de ce dernier : car qu'est-ce qui l'obligerait d'apprendre la prudence à ses dépens, quand il peut très-bien remarquer en lui-même ce pen­chant qu'ont les hommes à jouer en général à l'égard des autres le rôle de maîtres (à ne pas tenir compte de la considération du droit d'autrui, quand ils se sentent plus puissants ou plus rusés) ? 11 n'a pas besoin, dis-je, d'attendre des hostilités réelles; il a le droit d'employer la contrainte à l'égard de celui qui Je me­nace par sa nature même (quilibet prœsumitur ma­lus, donec securitatem dederit oppositi.) Tant qu'ils ont l'intention de vivre et de rester en cet état de liberté exempte de toute loi extérieure, ils ne commettent aucune injustice les uns à l'égard des au­tres, car ce qui s'applique à l'un s'applique aussi réci­proquement à l'autre, comme par l'effet d'une con­vention (uti partes de jure suo disponunt, ita jus est) ; mais en général ils commettent une très-grande injus­tice (*), en voulant vivre et rester dans un état qui n'est

(?) Cette différence entre ce qui est injuste d'une manière simplement formelle et ce qui l'est d'une manière matérielle est d'un fréquent usage dans la doctrine du droit. L'ennemi qui, au lieu de remplir loyalement la capitulation qu'il a faite avec la garnison d'une place assiégée, la maltraite à sa sortie, ou rompt le traité d'une autre façon, ne peut pas crier à l'injustice si son adversaire lui rend la pareille à l'occasion. Mats Ils com­mettent en général une très-grande injustice en enlevant toute sa vertu au concept du droit lui-même, en livrant tout en quelque sorte légitime­ment à la force brutale, et en bouleversant ainsi en général le droit des homme*.