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l’abstraction de ces conditions sensibles de la possession, considérée comme un rapport de la personne à des objets qui ne sont susceptibles d’aucune obligation, n’est autre chose que le rapport d’une personne à des personnes, c’est-à-dire l’obligation que la première impose à toutes les autres par sa volonté, relativement à l’usage des choses, en tant que cette volonté est conforme à l’axiome de la liberté extérieure, au postulat de cette faculté et à l’universelle législation de la volonté conçue à priori comme collective, ce qui est par conséquent la possession intelligible des choses, c’est-à-dire celle qui dérive du droit pur, encore que l’objet (la chose que je possède) soit un objet sensible.

  Il est de soi-même évident que le premier travail, le premier abornement, ou en général la première transformation[1] d’un champ ne peut nous donner aucun titre à l’acquisition de ce champ, c’est-à-dire que la possession de l’accident ne peut servir de fondement à la légitime possession de la substance, mais qu’au contraire, d’après la règle (accessorium sequitur suum principale) le mien et le tien doivent dériver de la propriété de la substance et qu’ainsi celui qui a dépensé son activité sur une terre qui ne lui appartenait pas déjà auparavant, a perdu sa peine et son travail. Cela est si clair qu’il est difficile d’attribuer l’opinion contraire, si ancienne pourtant et si répandue, à une autre cause qu’à l’influence secrète de l’illusion qui consiste à personnifier les choses et à se croire un droit immédiat à leur égard, comme si quelqu’un pouvait les obliger, par le travail qu’il y consacre, à ne reconnaître d’autre maître que lui. Autrement il est vraisemblable qu’on n’eût point glissé si légèrement sur cette question naturelle (dont il a déjà été fait mention plus haut) : « Comment un droit sur une chose
  1. Formgebung.