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DOCTRINE DU DROIT.

ne pouvons comprendre la possibilité). — Autre chose est accorder une proposition (tirée de l’expérience) ; autre chose, en faire un principe d’explication (pour le concept du libre arbitre) et s’en servir en général comme d’un caractère universel de distinction (qui serve ici à distinguer ce concept de celui de l’arbitrium brutum, s. servum) : car on n’affirme pas, dans le premier cas, que ce caractère fait nécessairement partie du concept ; mais cela est indispensable dans le second. — La liberté, en tant qu’il s’agit de la législation intérieure de la raison, est seule une véritable puissance ; la possibilité de s’en écarter est une impuissance. Comment définir la première par la seconde ? Une définition qui ajoute au concept pratique l’application de ce concept, telle que la révèle l’expérience, est une définition bâtarde (definitio hybrida) qui montre le concept sous un faux jour.

Une proposition contenant un impératif catégorique (un ordre) s’appelle loi (c’est une loi moralement pratique). Celui qui commande (imperans) au moyen d’une loi est le législateur (legislator). Il est l’auteur (auctor) de l’obligation d’agir suivant la loi ; mais il n’est pas toujours l’auteur de la loi même. Dans ce dernier cas, la loi serait positive (contingente) et arbitraire. La loi, qui nous oblige à priori et absolument par notre propre raison, peut aussi être représentée comme émanant de la volonté d’un législateur suprême, c’est-à-dire d’un législateur qui n’ait que des droits et point de devoirs (par conséquent de la volonté divine) ; mais on ne fait ainsi que concevoir l’idée d’un être moral, dont la volonté est une loi pour tous, sans pourtant regarder cette volonté comme cause de la loi.

L’imputation (imputatio), dans le sens moral, est le jugement par lequel on considère quelqu’un comme l’auteur (causa libera) d’une action, qui est soumise à des