Page:Kant - Éléments métaphysiques de la doctrine du droit.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
viii
ANALYSE CRITIQUE

partie de la philosophie morale de Kant qui s’appelle la doctrine du droit.

    sentations (cf. Critique de la raison pratique, ibid.). On pourrait lui demander d’abord de quelle vie il entend parler ; si c’est de la vie en général ou simplement de la vie psychologique et morale. Dans le premier cas, en effet, sa définition serait trop particulière : elle ne s’appliquerait plus exactement à la vie physique ou organique. Je ne vois pas qu’il ait songé à cette distinction ou à cette difficulté. Quant à la faculté de désirer, qu’il définit : la puissance que nous avons de causer, par le moyen de nos représentations, les objets de ces représentations, c’est-à-dire, en termes plus simples, de réaliser ou au moins de tendre à réaliser ce dont nous avons l’idée, on lui objectait (V. Critique du Jugement, loc. cit. ; V. aussi les Remarques explicatives sur les Éléments métaphysiques de la doctrine du droit, trad. franç., p. 237) que, s’il y a des désirs qui nous poussent à les satisfaire et qui, en ce sens, sont des causes d’activité, ou ont une puissance causatrice, il y en a aussi qui, se rapportant à des choses chimériques ou impossibles, sont tout à fait vains et stériles. Il répond à cela (ibid.) que tout désir, quelque vain qu’en soit l’objet, implique toujours une tendance, qui ne se manifeste pas sans doute au dehors lorsque nous sentons notre impuissance à le réaliser, mais qui n’en a pas moins intérieurement son action. Je ne recherche pas si l’objection qu’on lui adressait est bien résolue par là ; mais il en est, ce me semble, une plus grave à faire à sa définition : c’est qu’elle confond à tort le désir, qui sans doute est un mobile d’action, mais qui n’est jamais qu’un mobile, avec la cause agissante que ce mobile détermine. Autre chose est concevoir un désir, celui, par exemple, de boire ou de manger ; autre chose, agir de façon à le satisfaire. Le second fait a beau être la conséquence du premier, il n’en reste pas moins distinct. Cette distinction subsiste, alors même que l’action produite est instinctive et irréfléchie, puisque, même dans ce cas, agir n’est plus simplement désirer ; qu’estce donc quand la cause agit volontairement, librement, au lieu de suivre en aveugle le mobile qui la pousse ? Comment dès lors la confondre avec ce mobile ? Ce n’est point là d’ailleurs la seule difficulté que soulève la théorie de Kant sur ce qu’il appelle la faculté de désirer. Après avoir établi qu’à tout acte de cette faculté ou à tout désir est naturellement lié un plaisir, qu’il désigne sous le nom de plaisir pratique, pour le distinguer de celui qui n’a nul rapport au désir, comme le plaisir du goût, et qui, en ce sens, est purement contemplatif (cf. Critique du Jugement et Examen de la Critique du Jugement), il distingue deux cas : ou bien c’est le plaisir qui détermine notre faculté de désirer, et qui est ainsi la cause de ses actes ; ou bien au contraire c’est l’acte même de cette faculté qui engendre le plaisir, lequel n’est plus ici cause, mais effet. Telles sont les déterminations de l’âme qui ont leur principe dans les lois de la raison pratique. Mais, en rapportant ces actes à la faculté de désirer, Kant ne confond-il pas encore ici des choses essentiellement distinctes, savoir : soit le désir avec la volonté, soit, sous le nom de faculté de désirer, la volonté avec la raison pratique elle-même ? Il distingue sans doute deux espèces de faculté de désirer : l’une inférieure, l’autre supérieure (V. Critique de la raison pratique, trad. franc., p. 1S9) ; mais, s’il veut parler de l’acte par lequel