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DE LA DOCTRINE DU DROIT.


de notre conduite ; mais, comme ce respect est un acte intérieur qui échappe à toute législation extérieure, ce n’est pas sous ce rapport que le devoir peut être l’objet d’une législation de ce genre. Il ne saurait l’être qu’au point de vue juridique : ici la seule chose qu’on puisse exiger de nous, c’est que nous remplissions nos engagements ; le mobile qui nous — détermine à agir ainsi ne relève que de notre conscience. Il y a donc dans la morale en général deux espèces de législations : l’une, la législation morale proprement dite, qui ne peut être qu’intérièure, quoiqu’elle comprenne aussi des devoirs extérieurs, puisqu’elle s’applique à tous les devoirs ; l’autre, la législation juridique, qui à ce titre ne peut être qu’extérieure. L’une et l’autre peuvent prescrire les mêmes devoirs, mais elles diffèrent par le mode d’obligation qu’elles imposent. Kant réserve à la première le nom d’éthique, pour la distinguer de la seconde, qui appartient aussi à la morale, mais y forme une division spéciale. L’éthique est l’ensemble de nos devoirs, en tant qu’ils ne relèvent que de la législation intérieure : elle s’étend, comme on vient de le voir, aux devoirs mêmes qui peuvent être l’objet d’une législation extérieure ; mais elle a aussi ses devoirs qui lui sont propres : tels sont, par exemple, les devoirs envers soi-même ou la bienfaisance envers autrui. Ce sont là, dans le langage de Kant, des devoirs de vertu, et la théorie qui les enseigne est la doctrine de la vertu. La législation juridique embrasse l’ensemble des devoirs qui peuvent être l’objet d’une législation extérieure et ne relèvent pas simplement de la conscience, comme, par exemple, l’obligation de tenir ses engagements. Ces derniers ne sont plus simplement des devoirs de vertu, mais des devoirs de droit ; et la théorie qui les expose, une doctrine de la vertu, mais la doctrine du droit.

Doctrine du droit et doctrine de la vertu.

Telle est la division fondamentale de la métaphysique des mœurs. Elle comprend deux parties : l’une, la doctrine du droit, contenant l’ensemble des devoirs qui peuvent donner lieu à une législation extérieure, et que Kant appelle, pour cette raison, des devoirs de droit ; l’autre, la doctrine de la vertu, contenant l’ensemble des devoirs qui échappent à toute législation de ce genre, et qui, ne relevant que de la conscience, sont ainsi de purs devoirs de vertu. A chacune de ces deux parties de la métaphysique des mœurs ou de la doc-