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ÉVITER LE BADINAGE ET LES CARESSES.


l’enfant dans sa volonté, le rend faux, et, en lui révélant une faiblesse dans ses parents, lui enlève le respect qu’il leur doit. Mais, si on l’éleve de telle sorte qu’il ne puisse rien obtenir par des cris, il sera libre sans être effronté[2] et modeste sans être timide. On ne peut souffrir un insolent. Certains hommes ont une figure si insolente que l’on en craint toujours quelque grossièreté ; en revanche il y en a d’autres qu’on juge incapables, en voyant leur visage, de dire une grossièreté à quelqu’un. On peut toujours se montrer franc, pourvu qu’on y joigne une certaine bonté. On dit souvent des grands qu’ils ont un air tout à fait royal. Mais cela n’est pas autre chose qu’un certain regard insolent, dont ils ont pris l’habitude dès leur jeunesse, parce qu’on ne leur a jamais résisté.

Tout cela n’appartient encore qu’à la culture négative. En effet, beaucoup de faiblesses de l’homme ne viennent pas de ce qu’on ne lui apprend rien, mais de ce qu’on lui communique des impressions fausses. Ainsi, par exemple, les nourrices donnent aux enfants la crainte des araignées, des crapauds, etc. Les enfants pourraient certainement chercher à prendre les araignées, comme ils font pour les autres choses. Mais, comme les nourrices, dès qu’elles aperçoivent une araignée, montrent leur frayeur par leur mine, cette frayeur se communique à l’enfant par une certaine sympathie. Beaucoup la gardent toute leur vie et se montrent en cela toujours enfants. Car les araignées sont sans doute dangereuses pour les mouches, et leur morsure est venimeuse pour elles, mais l’homme n’a rien à en craindre. Quant au crapaud, c’est un animal aussi inoffensif qu’une belle grenouille verte ou tout autre animal.


thamin. - Pédag. de Kant.5