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MOYENS D'APPLIQUER L’ÉDUCATION.


leure, afin qu’un meilleur état en pût sortir dans l’avenir. Mais deux obstacles se rencontrent ici : 1° les parents n’ont ordinairement souci que d’une chose, c’est que leurs enfants fassent bien leur chemin dans le monde, et 2° les princes ne considèrent leurs sujets que comme des instruments pour leurs desseins.

Les parents songent à la maison et les princes à l’État. Les uns et les autres ne se proposent pas pour but dernier le bien général[1] et la perfection à laquelle l’humanité est destinée. Les bases d’un plan d’éducation doivent avoir un caractère cosmopolitique. Mais le bien général est-il une idée qui puisse être nuisible à notre bien particulier ? Nullement ! Car, quoiqu’il semble qu’il lui faille faire des sacrifices, on n’en travaille que mieux au bien de son état present. Et alors que de nobles conséquences ne s’ensuivent pas ! Une bonne éducation est précisément la source de tout bien dans le monde. Les germes qui sont dans l’homme doivent toujours se développer davantage ; car il n’y a pas dans les dispositions naturelles de l’homme de principe du mal. La seule cause du mal, c’est qu’on ne ramène pas la nature à des règles. Il n’y a dans l’homme de germe que pour le bien.

De qui doit-on attendre l’amélioration de l’état du monde ? Des princes ou des sujets ? Faut-il que ceux-ci s’améliorent d’abord eux-mêmes et fassent la moitié du chemin au-devant des bons gouvernements ? Que si cette amélioration doit venir des princes, que l’on commence donc par rendre leur éducation meilleure ; car on a trop longtemps commis cette faute grave de ne jamais leur résister pendant leur jeunesse. Un arbre qui pousse isolé au milieu d’un champ perd sa rectitude