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CE QUE PEUT L'ÉDUCATION.


Il n’est que ce qu’elle le fait. Il est à remarquer qu’il ne peut recevoir cette éducation que d’autres hommes, qui l’aient également reçue. Aussi le manque de discipline et d’instruction chez quelques hommes, en fait de très-mauvais maîtres pour leurs élèves. Si un être d’une nature supérieure se chargeait de notre éducation, on verrait alors ce qu’on peut faire de nous. Mais, comme l’éducation, d’une part, apprend quelque chose aux hommes, et d’autre part, ne fait que développer en eux certaines qualité, il est impossible de savoir jusqu’où vont nos dispositions naturelles. Si du moins on faisait une expérience avec l’assistance des grands et en réunissant les forces de plusieurs, cela nous éclairerait déjà sur la question de savoir jusqu’où l’homme peut aller dans cette voie. Mais c’est une chose aussi digne de remarque pour un esprit spéculatif que triste pour un ami de l’humanité, de voir la plupart des grands ne jamais songer qu’à eux et ne prendre aucune part aux importantes expériences que l’on peut pratiquer sur l’éducation, afin de faire faire à la nature un pas de plus vers la perfection.

Il n’y a personne qui, ayant été négligé dans sa jeunesse, ne soit capable d’apercevoir dans l’âge mûr en quoi il a été négligé, soit dans la discipline, soit dans la culture (car on peut nommer ainsi l’instruction). Celui qui n’est point cultivé est brut[1] ; celui qui n’est pas discipliné est sauvage[2]. Le manque de discipline est un pire mal que le défaut de culture, car celui-ci peut encore se réparer plus tard, tandis qu’on ne peut plus chasser la sauvagerie et corriger un défaut de discipline. Peut-être l’éducation deviendra-t-elle toujours meilleure, et chacune des générations qui se succéderont fera-