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HABILETÉ, PRUDENCE, MORALITÉ.


feindre et peut être parfois permis, mais cela touche de près à l’immoralité. La dissimulation est un moyen désespéré. La prudence exige que l’on ne montre pas trop de fougue, mais il ne faut pas non plus être trop indolent. On ne doit donc pas être emporté, mais vif, ce qui n’est pas la même chose. Un homme vif (strenuus) est celui qui a du plaisir à vouloir. Il s’agit ici de la modération de l’affection. La prudence concerne le tempérament.

La moralité concerne le caractère. Sustine et abstine 1[1], tel est le moyen de se préparer à une sage modération. Si l’on veut former un bon caractère, il faut commencer par écarter les passions. L’homme doit à l’endroit de ses penchants prendre l’habitude de ne pas les laisser dégénérer en passions, et apprendre à se passer de ce qui lui est refusé. Sustine signifie supporte et accoutume-toi à supporter.

Il faut du courage et une certaine disposition d’esprit, pour apprendre à se passer de quelque chose. On doit s’accoutumer aux refus, à la résistance, etc.

Au tempérament appartient la sympathie. Il faut préserver les enfants contre une sympathie trop vive ou trop langoureuse. La sympathie est réellement de la sensibilité ; elle ne convient qu’à un caractère sensible. Elle est distincte aussi de la pitié ; c’est un mal qui consiste à se lamenter simplement sur une chose. On devrait donner aux enfants de l’argent dans leur poche, pour qu’ils pussent soulager les malheureux : on verrait par là s’ils sont ou non compatissants ; quand ils ne sont jamais généreux qu’avec l’argent de leurs parents, ils perdent cette qualité.

  1. 1. « Supporte et abstiens-toi. »