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FONDEMENTS DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS.


effet se présenter bien des circonstances où nous ayons besoin de l’affection el de la sympathie des autres et alors, en vertu de celle même loi née de noire volonté, nous nous enlèverions toute espérance’d'obtenir le secours que nous désirerions pour nous-mêmes 1.

Voilà quelques-uns de nos nombreux devoirs réels ou du moins considérés par nous comme tels ; il est clair qu’on peut les ramener au principe que nous avons posé. Il faut que nous puissions vouloir que toule maxime de notre action devienne une loi universelle : Tel est le canon du-jugement moral que nous portons sur elle. Il y a des actions dont la nature est telle que leur maxime ne peut même pas être conçue sans contradiction comme-loi universelle de la nature, bien loin que l’on puisse vouloir qu’elle doive prendre un tel caractère. Dans d’autres cas on ne se heurte pas, il est vrai, à celte impossibilité interne, et pourtant il est impossible de vouloir que la maxime des actes en questionacquière l’universalité d’une loi de la rr hire, parce qu’une telle volonté se contredirait elle-même. On voit facilement que le premier genre d’actions est contraire au devoir strict et étroit (dont on ne peut se dispenser), le second au devoir large (méritoire). Ainsi

t. Dans les deux premiers exemples, la maxime universalisée se détruit immédiatement elle-même et ne peut pas même être conçue comme loi de la nature. Dans les deux derniers on pourrait à la rigueur concevoir une nature dont la maxime égoïste universalisée serait la loi, néanmoins la volonté raîsonnablequi adopterait cette maxime aboutirait encore à se contredire. Dans le premier cas en effet, elle voudrait une chose qui l’empêcherait d’atteindre 3on plein développement,.elle se nierait donc en quelque sorte elle-même. Dans le second, en refusant île s’intéresser aux

malheureux, elle s’exposerait à ne plus trouver chez les autres, en cas de besoin, la pitié que l’on aurait en vain cherchée chez elle-même : or la volonté de l’être raisonnable ne peut pas, sans se contredire, vouloir une chose qui pourrait avoir un jour pour conséquence de rendre son propre développement, difficile, sinon impossible. Kant dit dans la Doctrine de la vertu (2* partie de ltk : Métaphysique des mœurs) : « Je’veux que chacun soit bienveillant à mon égard, je dois donc être bienveillant pour chacun ». Cf., Doctrine de la vertu, livre 11, cli. i, Du devoir de bienfaisance.