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FONDEMENTS DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS.

Une volonté parfaitement bonne serait donc, aussi bien qu’une volonté imparfaite, soumise aux lois objectives (du bien), mais on ne pourrait se la représenter comme contrainte à agir conformément à ces lois, parce qu’en vertu de sa nature subjective, elle se déterminerait d’elle-même, d’après la seule idée du bien. C’est pourquoi il n’y a pas d’impératifs qui s’appliquent à la volonté divine ni en général à aucune volonté sainte. Le mot devoir ne convient plus ici parce que la volonté, par elle-même, est déjà nécessairement conforme à la loi. Aussi les impératifs sont-ils de simples formules qui expriment le rapport des lois de la volonté en général avec l’imperfection subjective de la volonté de tel ou tel être raisonnable, par exemple de volonté humaine[1].

Tous les impératifs ordonnent d’une manière ou bien hypothétique ou bien catégorique[2]. Les impératifs

    par intérêt. D’un coté il s’agit de l’intérêt pratique que l’on prend à l’action, de l’autre il s’agit de l’intérêt pathologique que l’on prend à l’objet de l’action. La volonté apparaît comme dépendante dans le premier cas des principes de la raison considérée en elle-même, dans le second des principes de la raison considérée comme l’esclave de l’inclination ; en effet, la raison ne fait, dans ce second cas, que nous donner une règle pratique pour satisfaire le besoin de l’inclination. Ici c’est l’action qui m’intéresse, là c’est l’objet de l’action (en tant qu’il m’est agréable). Nous avons vu dans la première section, que dans une action faite par devoir il ne faut pas envisager l’intérêt qui peut s’attacher à l’objet, mais seulement l’action elle-même et son principe rationnel (sa loi) (N. de K.).

  1. Kant veut dire qu’il n’y a d’impératif catégorique que pour une volonté qui reste sujette à l’influence de mobiles subjectifs. Une Volonté sainte, c’est-à-dire affranchie de toute tendance naturelle, se conformerait d’elle-même à la loi, sans hésitation et sans effort ; il n’y aurait donc pas d'impératif, c’est-à-dire de devoir, pour elle. On peut rapprocher cette idée de celle de Mill et de Spencer qui, bien que se plaçant à un point de vue tout différent de celui de Kant, ont pensé que le devoir était une notion transitoire, qui s’efface à mesure que la volonté devient meilleure. Voir Spencer, Morale évolutionniste, Ch. VII, p. 110.
  2. Sur la distinction des deux impératifs, voir l’Introduction.