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DEUXIÈME SECTION

l’homme), alors les actions, reconnues objectivement nécessaires, sont subjectivement contingentes et la détermination d’une telle volonté conformément aux lois objectives est une contrainte ; c’est-à-dire que le rapport des lois objectives à une volonté qui n’est pas absolument bonne nous apparaît comme la détermination de la volonté d’un être raisonnable qui obéit sans doute à des principes rationnels mais qui, par sa nature, ne s’y conforme pas nécessairement.

La représentation d’un principe objectif comme contraignant la volonté s’appelle un Impératif.

Tous les impératifs s’expriment par le verbe devoir ; ils marquent ainsi le rapport d’une loi objective de la raison à une volonté qui dans sa nature subjective n’est pas nécessairement déterminée par cette loi (une contrainte). Ils disent qu’il serait bon d’accomplir une action ou d’y renoncer, mais ils le disent à une volonté qui n’agit pas toujours pour cette seule raison qu’elle se représente une action comme bonne à accomplir. Or, cela seul est pratiquement bon qui détermine la volonté par le moyen des représentations de la raison, c’est-à-dire non par des causes subjectives mais d’une manière objective, par des principes valables pour tout être raisonnable en tant que raisonnable. Le bien se distingue de l’agréable, car l’agréable n’influe sur la volonté que par le moyen de la sensation, en vertu de causes purement subjectives, qui n’ont de valeur que pour la sensibilité de tel ou tel, et ne ressemblent en rien au principe de la raison qui est valable pour tous[1].

  1. On appelle inclination la faculté de désirer, en tant qu’elle dépend des sensations ; l’inclination est par conséquent toujours la preuve d’un besoin. On appelle intérêt la dépendance d’une volonté qui se détermine d’une manière contingente par rapport à des principes rationnels. Cet intérêt ne se trouve par conséquent que dans une volonté dépendante qui n’est pas par elle-même toujours conforme à la raison ; on ne peut concevoir dans la volonté divine aucun intérêt. Mais la volonté humaine elle-même peut prendre un intérêt à quelque chose sans agir pour cela