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FONDEMENTS DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS.

principes et par là de créer des intentions vraiment morales et de les implanter dans les cœurs pour le plus grand bien du monde.

Pour nous élever par une gradation naturelle, dans ce travail, non seulement du jugement moral populaire (très respectable d’ailleurs) au jugement philosophique comme cela a été fait ailleurs, mais encore d’une philosophie populaire qui s’arrête dès qu’elle ne peut plus avancer en tâtonnant (au moyen d’exemples) jusqu’à la Métaphysique (qui ne se laisse arrêter par rien d’empirique et qui, devant mesurer tout le domaine de cette connaissance rationnelle, s’élève en tout cas jusqu’à la région des idées, là où les exemples même nous abandonnent), il nous faut poursuivre l’étude de la faculté pratique de la raison, en partant de ses règles universelles de détermination, jusqu’au point où jaillit de son sein le concept du devoir et en faire une claire description.

Toute chose dans la nature agit suivant des lois. Seul un être raisonnable a le pouvoir d’agir d’après la représentation des lois, c’est-à-dire d’après des principes, seul il a une volonté. Comme pour dériver les actions dos lois, la raison est nécessaire, la volonté n’est autre chose que la raison pratique. Quand la raison chez un être détermine la volonté d’une manière infaillible, les actions de cet être auxquelles on reconnaît une nécessité objective ont également une nécessité subjective, autrement dit la volonté, chez cet être, ne peut plus choisir que cela seulement que la raison, affranchie de la tendance, reconnaît comme pratiquement nécessaire, c’est-à-dire comme bon. Si la raison à elle seule ne suffit pas à déterminer la volonté, si cette volonté reste soumise à des conditions subjectives (à certains mobiles) qui ne concordent pas toujours avec celles qui sont objectives, en un mol, si en soi elle n’est pas absolument conforme à la raison (ce qui est le cas chez