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FONDEMENTS DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS.


empirique, prend sur le cœur humain, par le moyen de la seule raison (qui se rend compte alors qu’elle peut devenir pratique par tlle-mème), un empire infiniment plus grand que tous les autres motifs que l’on peut rencontrer dans le champ de l’expérience *, à tel point que la conscience de la dignité de relie idée nous inspire le mépris de ces mobiles et nous permet de les dominer peu à peu. Au lieu de cela, soil une doctrine des mœurs bâtarde, mélangeant les mobiles du sentiment et de l’inclinai ion avec les idées de la raison, noire cœur restera hésitant entre des motifs qu’il est impossible de ramener à un principe et qui ne peuvent nous conduire au bien que par hasard s’ils ne nous conduisent pas bien plutôt au mal.

Il résulte clairement de ces considérations que tous, les concepts moraux sont purement a priori et qu’ils ont leur siège et leur origine dans la raison, dans la raison vulgaire aussi bien que dans celle qui s’élève au plus liant degré delà spéculation ; qu’ils ne peuvent être abstraits d’aucune connaissance empirique el, par suite, simplement contingente ; que c’est précisément

  • J’ai une lettre de feu l’excellent SuUer on il me demande : quelle peut bien rire la cause pour laquelle les Doctrines morales, si convaincantes qu’elles puissent être pour la raison, ont si peu d’action pratique. Je retardai ma réponse afin de me mettre en mesure de la donner plus complète. Mais il n’y en a pas d’autre que celle-ci, c’est que les maîtres ne tirent pas n ; i clair Irurs concepts, el que, voulant trop bien faire, rassemblant de tous côtés des mobiles propres à nous exciter au bien, ils gâtent le remède qu’ils voulaient rendre plu* énergique. En effet, l’observation la plus vulgaire montre que si on nous présente un acte de probité, accompli par une Ame courageuse, sans i’esj » ! rance d’aucun avantage dans ce monde ou dans l’autre, et cela malgré les plus fortes tentations de la misère, malgré les séductions de la fortune, cet acte laisse bien loin derrière lui el fait pâlir toute action de même nature à laquelle aurait concouru, pour si peu que ce fûl, un mobile étranger, qu’elle élève l’âme et lui inspire le désir d’imiter un tel exemple. Même des enfants, d’âge moyen, éprouvent ce sentiment, et on ne devrait jamais leur exposer leurs devoirs d’une autre manière (N. de K.).